Les errements de l'extension Equinox de EVE Online, ou la difficulté de modifier les comportements des joueurs sur un MMORPG sandbox
Lancée en juin dernier, l'extension Equinox peine à remplir ses objectifs pour dynamiser l'écosystème du MMORPG spatial EVE Online. Après une série de mises à jour effaçant une partie de son contenu, l'une des principales coalitions de joueurs annonce son redéploiement pour tenter de faire bouger les lignes.
Avec l'extension Equinox, le principal objectif de CCP Games était de redynamiser une partie de Eve Online, plus précisément où les joueurs assurent la souveraineté des systèmes stellaires. L'espace 0.0 est le cadre des grandes batailles, celles avec les publications dans la presse chiffrant en dizaines de milliers d'euros les pertes. Ces dernières se font toutefois plus rares au fil des années, faute à l'absence de conflits d'ampleur.
Deux entités se partagent l'essentiel de cet espace, l'Imperium et PandaFam, deux superpuissances devenues trop importantes pour s'affronter directement. L'extension Equinox devait rendre le contrôle de vastes territoires plus complexe, tout en exposant à des raids les ressources indispensables au maintien des infrastructures de souveraineté. Si l'on comprend les intentions originales, à savoir du mouvement, la suite des événements va prendre une autre direction. Car durant la période de transition prévue par le studio, ces entités ont adopté une manoeuvre particulière, consistant à attendre consciencieusement dans son coin de la carte que quelque chose se passe.
Les raisons sont à la fois complexes et multiples. En premier lieu, les systèmes de souveraineté introduits avec Equinox reposaient sur des valeurs aberrantes et dysfonctionnelles. Le choix de ne pas utiliser le serveur de test pour les éprouver symbolise cet échec. Ensuite, les organisations installées dans ces contrées comptent des dizaines de milliers de joueurs, un poids considérable quand des décisions des développeurs vont impacter leur fonctionnement. Et quand la raréfaction des ressources doit en théorie générer des conflits pour leurs partages, le raccourci pris est plus souvent celui d'arrêter de jouer. En effet, la courbe de fréquentation du serveur est en baisse constante depuis le lancement Equinox, poussant le studio à revenir sur une grande partie des changements.
Ainsi les dernières mises à jour ont rétabli les capacités de projection des coalitions, avec le maintien d'un véritable réseau d'autoroutes à travers leurs territoires. Devenus indispensables, les grappins orbitaux ont leur fenêtre de vulnérabilité incroyablement réduite, nécessitant de prendre rendez-vous plusieurs jours à l'avance pour envisager un raid. On en revient globalement à la configuration existante avant Equinox. Il ne reste finalement que les foreuses lunaires, capables de générer des revenus passifs, appartenant aux grandes entités pour les plus lucratives. Et dernier mauvais point, les petites alliances n'ont pas eu d'opportunités et encore moins les moyens pour se développer.
Et finalement, du changement venu des joueurs
Et malgré l'échec de Equinox, en attendant l'extension de cet hiver qui devrait également se focaliser sur le 0.0, le changement le plus important est finalement venu de la coalition Imperium. Cette dernière vient d'annoncer le déplacement de sa capitale dans la région de Tenerefis, faisant basculer son centre de gravité pour se rapprocher sensiblement de PandaFam, son ennemi juré. On parle ici du déménagement de milliers de joueurs et des quantités astronomiques de biens accumulés depuis 2016 dans la région de Delve.
Un tel déplacement volontaire, à cette échelle, est tout simplement une première dans l'histoire de ce MMORPG. La logistique va nécessiter plusieurs semaines et occasionner de nombreuses pertes, notamment pour l'alliance Goonswarm Federation qui constitue la tête de proue de l'Imperium. Les raisons sont multiples, à commencer par rebattre les cartes d'une géopolitique figée depuis bien trop longtemps. Dans un jeu où la perte est définitive, la prise de risque n'a cessé de se réduire et cette manoeuvre est clairement à contrecourant. Il s'agit également de disposer d'une région plus riche suite à la dernière redistribution et avec l'absence notable d'espace NPC, où des joueurs hostiles peuvent s'installer en toute impunité pour harceler un territoire.
La carte de l'univers de New Eden risque donc enfin de changer, comme l'intérêt ludique pour ce pan essentiel de EVE Online. L'ironie est toutefois que l'échec du studio pour modifier le comportement des joueurs a finalement abouti par un changement potentiellement majeur. La complexité d'un tel écosystème, composé d'entités regroupant des milliers de singularités illustre une nouvelle fois son imprévisibilité, aux dépends de son créateur. La richesse d'un MMORPG sandbox vient bien de ses joueurs.
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